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20 Jan

Quelques réflexions sur les nouveaux X-Files – This (11x02)

Publié par Sullivan Le Postec  - Catégories :  #The X-Files, #Séries, #Mythologie en série, #Saison 11, #Chris Carter, #Critiques

« This »

Écrit et réalisé par Glen Morgan

1994... He's dead because the world was so dangerous and complex then. Who would have thought we'd look back in nostalgia and say it was a simpler time, Scully ?

Fox Mulder

Mulder reçoit sur son smartphone un message vidéo qui semble provenir de Langly, membre des Lone Gunmen mort contaminé par un virus dans « Jump The Shark » [9x15]. Avant d’avoir pu tenter de comprendre, Mulder et Scully sont pris pour cible par un groupe de tueurs, puis par des agents d’une milice privée employée notamment par la branche exécutive du gouvernement américain. En fuite, aidés par Skinner, en qui ils peinent pourtant à avoir confiance, ils découvrent que la conscience de Langly a été uploadée dans un programme dans lequel son intelligence est littéralement exploitée…

Transition

Si la série classique a produit des épisodes semi-mythologiques, c’est-à-dire ayant l’air d’épisodes indépendants, mais se révélant être connectés plus ou moins tangentiellement à l’arc feuilletonnant, ceux-ci étaient généralement positionnés aléatoirement dans les longues saisons d’alors, au gré de l'inspiration des scénaristes. Mais dans ces nouvelles courtes saisons, la transition entre les deux types d’épisodes est peut-être encore plus brutale qu’auparavant, d’où l’idée de placer un épisode semi-mythologique en numéro 2. En saison 10, cette décision avait été prise après coup, l’épisode « Founder’s Mutation » [10x02] ayant été écrit et tourné avec l’idée d’être le 5ème épisode. Cette fois, Glen Morgan a pris les devants, concevant « This » dès le départ pour qu’il remplisse cette fonction de transition.
C’est devenu encore plus le cas après que Chris Carter ait décidé de faire apparaître Erika Price, le bras droit du nouveau conspirateur Mr. Y, dès le premier épisode.

Les investigations de Mulder et Scully les amènent donc à lever un peu plus le voile sur les objectifs du groupe ennemi de l’Homme à la Cigarette. Ceux-ci semblent tenir pour acquis la destruction de la Terre et envisager la survie d’une partie de l’Humanité comme devant non seulement se situer dans l’espace, mais aussi dans l'abandon des corps charnels pour une forme de vie éternelle numérique.
Tout cela est néanmoins très flou tant les questions sans réponses restent nombreuses. Quel est le rapport avec William ? Pourquoi vouloir tuer l’Homme à la Cigarette (et vouloir que ce soit Mulder qui s’en charge) ? Cette dernière question se pose d’autant plus que leurs plans ne semblent pas vraiment s’opposer à ceux du Fumeur, plutôt en être une forme de continuation logique.

Quelques réflexions sur les nouveaux X-Files – This (11x02)

On sait que le Syndicat fonctionnait par cercles concentriques de niveaux de connaissance. Certains conspirateurs associés de longue date du groupe ont été exclu de son premier cercle de pouvoir lorsque fut prise la décision de collaborer activement avec les aliens dans les années 70. (Gorge Profonde, d’ailleurs, faisait partie de ces conspirateurs persuadés d’être au cœur du système alors que ce n’était plus réellement le cas depuis des années.)
Mr. Y et Erika Price sont-ils des membres de second niveau, décidés à se venger d’avoir été exclus des plans de l’Homme à la Cigarette et de ne pas faire partie de l’élite que lui a désigné ?

Assiste-t-on à une forme de guerre de ce qui se nomme en anglais l’entitlement, c’est-à-dire le sentiment de certains groupes que tout leur est dû ?

Privatisation

Ce serait là une thématique qui résonnerait avec l’époque. C’est quelque chose qu’essaye clairement de faire cet épisode. Le personnage de Barbara Hershey, Erika Price, est ainsi positionnée comme la tête d’une société privée sous-traitante de l’État (et le personnage est nommée en référence à Erik Prince). Une tendance lourde aux États-Unis, dénoncée par Edward Snowden, qui travaillait lui-même pour un contracteur privé employé par la CIA. Le Long Lines Building de Manhattan et le programme Titanpointe sont d’ailleurs des citations d’éléments réels. Skinner brosse à Mulder et Scully le portrait de ce nouveau monde, grouillant de nouveaux acteurs qui peuvent d’autant plus facilement flirter avec l’illégalité que l’État a formellement pris ses distances avec eux. Et le FBI, cible du pouvoir Trumpien à cause de sa relative indépendance, est désormais devenu lui-même le vilain petit canard que Mulder était au sein du bureau 20 ans plus tôt.

Glen Morgan utilise ce contexte complexe et imprévisible pour écrire un thriller d’espionnage montrant Mulder et Scully en fuite, son hommage à La Mort aux trousses / North by Northwest d’Alfred Hitchcock, qu’il croise avec un postulat que l’on a volontiers qualifié d’à la Black Mirror. Une référence citée par Glen Morgan lui-même, qui ne doit cependant pas faire oublier que The X-Files s’était déjà aventurée sur ces terrains (et c’était même le sujet central d’Harsh Realm, la troisième série de Chris Carter). Le postulat d’âmes uploadées dans un système informatique pour y acquérir une forme de vie éternelle était déjà au cœur de l’épisode « Kill Switch » [5.11], l’apogée du penchant grand-spectacle de la série, qui avait conduit Rob Bowman à quasiment réaliser un deuxième petit blockbuster la même année que « Fight The Future ». Morgan cite d’ailleurs le titre de l’épisode dans les dialogues. La réalisation et la photographie mettent en place une atmosphère intéressante, même si l'absence de contraste, vue la noirceur des images, confine parfois à l'écran noir. Morgan joue intelligemment de l'âge des personnages lors des scènes d'action, notamment lorsqu'il montre Mulder à bout de souffle après qu'il ait pris le dessus de l'homme de main Russe.

L’utilisation de Langly en prisonnier de la matrice parvenant à prendre conscience de son sort et à contacter le monde réel, outre le clin d’œil aux fans qu’il représente, fonctionne aussi bien pour donner des enjeux à cet appel à faire cesser un esclavage virtuel post-mortem.

Mais le cœur de « This » est certainement Mulder et Scully eux-mêmes, leur fuite étant l’occasion de leur faire partager la quasi-totalité des scènes de l’épisode. Une démarche qui intervient en réponse à la saison précédente, au cours de laquelle Glen Morgan avait signé le très bon « Home Again » [10x04] qui, en voulant réunir deux intrigues en un seul segment pour cause de nombre limité d’épisodes, avec séparé Mulder et Scully pendant presque toute sa durée.
Si la dixième saison montrait un Mulder qui sortait de sa dépression et reconstruisait une relation avec Scully (une ligne narrative justement rendue confuse par les changements d’ordre des épisodes), cette nouvelle salve d’épisode permet de capitaliser sur un duo de personnages redevenus confortables l’un avec l’autre et heureux dans une certaine forme d’intimité (même si, plan sur les dossiers sur la table aidant, Glen Morgan prend soin de nous montrer que c'est pour le travail que Scully s'est rendue dans la maison de Mulder, où elle a habité avec lui avant leur rupture). Toujours est-il que l’alchimie entre Duchovny et Anderson peut à nouveau fonctionner à plein et venir se placer au centre de l’épisode, très divertissant, et du plaisir qu’il procure...

Quelques réflexions sur les nouveaux X-Files – This (11x02)

Random thoughts

1. Comme souvent, la rétro-continuité qui s’applique au personnage de Langly s’avère un peu fragile. Il n’est pas forcément simple de croire que Langly ait eu une relation secrète telle que celle dépeinte dans l’épisode, à fortiori dans cette période où les Lone Gunmen furent brièvement les héros de leur propre spin-off. Le personnage de l’universitaire Karah Hamby aurait de toute façon franchement gagné à être caractérisé de manière plus précise et intéressante et donner lieu à un casting plus original. Il est très difficile d’imaginer Langly avec elle.

2. Le prénom de Langly, Richard, abrégé en Ringo, est plus cité dans cet épisode que dans l’ensemble deux neufs saisons où il était en vie – il avait d’ailleurs fallu attendre la cinquième saison pour que les Lone Gunmen acquièrent un prénom, à la faveur de leur arrestation par le Détective John Munch de la police de Baltimore (et de la série Homicide).

3. Cette apparition virtuelle permet à Langly de rejoindre le club très sélect des personnages apparus dans l’ensemble des onze saisons de The X-Files, où ne figurent avec lui que Mulder, Scully et Skinner.

4. Chris Carter a un talent certain pour les formules concises et impactantes, presque commerciales, qu'il place en fin de générique, de l'iconique The Truth Is Out There à ses variations : Trust No One, Apology Is Policy, Believe To Understand, etc. C'est moins le cas de Glen Morgan qui nous donne ici un slogan long, difficile à saisir, et dont le rapport avec l'épisode est plutôt... distant.

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L
Erika Price et non Prince ;)<br /> Attention tu dis "deux neuf saisons" à un endroit. <br /> Et tu parles de "Cette apparition virtuelle permet à Langly de rejoindre le club très sélect des personnages apparus dans l’ensemble des neufs saisons " Mais comme cette apparition est en saison 11, tu peux carréement dire 11 asisons, comptant son apparition dans Babylon.
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S
Désolé, texte écrit trop vite et plein de fautes de frappe et d'inattention. J'ai refais un passage dessus.

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